Exposition : Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger, Victoriaville,
03 novembre – 10 décembre, 2022
Commissaire : Émilie Granjon
L’attachement, l’ancrage et l’appartenance dessinent un fil conducteur sensible et sensé qui rythme l’exposition Tramer le monde. Lisette Lemieux y présente trois projets inédits entrelacés d’oeuvres fortes qui rendent hommage au fait main, tout en soulignant et saluant l’art du tissage. L’ensemble fait écho au travail ancestral des femmes qui, dans un mouvement de répétition du geste inlassable et méditatif, confectionnent un maillage délicat. En liant et déliant les fils, Lisette Lemieux porte à notre regard la trame d’un monde et met en lumière la trame de notre monde.
Dans Paraterre, l’artiste compose le monde d’épingles à piquer, disposées une à une dans la toile métallique d’un parapluie ouvert invoquant l’urgence de la terre de se protéger par elle-même … de l’homme. L’appel à la réflexion parcourt le travail de Lisette Lemieux. Le fil de la pensée se développe et se déploie au gré de lignes et de traits, au sens propre comme au sens figuré. Parfois les choses sont floues, les formes non définies. Avec l’oeuvre
Rinceaux nébuleux, certains pourraient voir dans les circonvolutions des bandes de papier rétro-éclairées l’espoir d’une existence à venir. L’enroulement des bandes fait écho au mouvement de la chaine métallique d’Entrelacs. Tel un serpent, elle se love jusqu’à ce qu’une respiration vienne briser le cycle et créer des percées dans la régularité. On pense alors aux moucharabiehs, ces cloisons ajourées aux motifs répétitifs et élégants qui permettent de voir sans être vu. L’art du maillage, chère aux tisseuses et aux dentelières, n’est pas loin. Il trouve des échos troublants dans l’oeuvre verticale demi-cylindrique QR yptographie. Le motif, fruit d’un entrelacement de fils métalliques, s’éloigne de l’habituelle ornementation décorative. Un code QR démultiplié et répété à l’infini se dessine sur la grille de ce qu’on pourrait aussi appréhendé comme une cage d’oiseau. Sauf que l’oiseau, c’est nous qui nous regardons dans le miroir placé au fond de l’oeuvre. Dans Matière grise/Matière blanche, oeuvre perforée représentant les deux hémisphères du cerveau, la cage renvoie à un enfermement insidieux, faisant référence aux enjeux actuels de la santé mentale. Entre (perte de) sécurité et (perte d’) identité, ou va le monde ? Heureusement, le grillage s’ouvre dans J’EN PERDS MON LATIN pour sortir du numérique et revenir à la beauté de la langue et à ses origines latines. Comme le rappelle Lisette Lemieux, « Retrouver les racines de certains mots que nous utilisons couramment et la pensée qu’ils véhiculent ne peut qu’élargir nos horizons». Trouver le mot juste et savoir l’utiliser adéquatement sont la base d’une saine communication et d’une ouverture à l’autre et sur le monde.
Bios
Originaire d'Arthabaska, Lisette Lemieux vit et travaille à Montréal. Elle donne corps à la lumière, conjugue le temps, honore le langage et magnifie les objets et matières empruntés au quotidien. Elle poursuit une carrière artistique, jalonnée d’expositions individuelles et collectives depuis plus cinquante ans, au pays et à l’étranger. Elle a également réalisé des oeuvres d’art public à Montréal et au Québec. De ses oeuvres font partie de collections muséales et institutionnelles, dont le MNBAQ, le MAC, le MBAM, l’UNESCO, la Bibliothèque nationale du Canada, l’Université de Montréal, l’Université de Sherbrooke, la Collection Loto-Québec, le Musée de Lachine et le Musée de Joliette.
Émilie Granjon dirige le centre d’artistes CIRCA art actuel à Montréal. Elle est également essayiste et commissaire indépendante. Après avoir commissarié l’exposition Déjouer les sens au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger de Victoriaville en 2017, elle cosigné avec Laurent Lamarche en 2019 l’exposition collective LUMINA à la Galerie d’art Stewart Hall de Pointe-Claire. En 2022, Émilie Granjon a collaboré avec Julie Trudel et Nancy Bussières à l’exposition Matière lumière présentée à la salle de diffusion de Parc-Extension de Montréal.